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4 mai 2009

Le Rat, mon ami

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Le Rat, mon ami,

de Maja Brick

"L'animal le plus immonde vit, en un certain sens, mieux que nous. Sans aller chercher dans les égouts des recettes de sagesse, comment ne pas reconnaître les avantages qu'a sur nous un rat, justement parce qu'il est rat et rien d'autre ?" Cioran

Incipit

À partir de notes dispersées dans mon journal des cinq dernières années, je reconstruis l’histoire de mon amitié avec les rongeurs : une souris et des rats. Une petite histoire qui m’en dit long sur ma propre condition et qui raconte ma fascination devant ces créatures étranges, plongées dans le silence, capables de s’attacher à l’homme d’une affection simple et émouvante.

Il y a cinq ans, en termes brefs, j’ai décrit la mort de ma souris noire, un événement qui m’a bouleversée, comme l’est un enfant confronté à la disparition de son animal, son compagnon. Je ne perds pas le sens de la mesure devant le trouble extrême que l’agonie de ma souris a suscité en moi mais, dans ce fait insignifiant au regard de l’histoire universelle, je vois l’image de mon destin minuscule qui ne trouve sa valeur que dans l’affection d’autrui.

La courte vie de cet animal, l’épuisement progressif de ses forces, c’est, en miniature, le reflet de ma propre vie, de son évolution insaisissable. Ce n’est qu’une photographie, une reproduction qui m’aide à prendre conscience de mes changements physiques, des rares moments enregistrés dans mon esprit qui disent la perte des illusions de ma jeunesse. Je projette l’existence de la souris sur le temps qui m’est alloué comme à travers un réticule.

Peut-être ce rongeur est-il un laboratoire où j’observe ma vie à une échelle réduite, un processus vital abrégé par rapport à ma durée dont je n’ai jamais un aperçu complet, tant j’y suis plongée, tant le passé s’efface à cause de la sélectivité de ma mémoire, tant la vision de mon avenir m’apparaît floue. Chez le rongeur, les cycles de la vie se distinguent nettement, marqués par des changements d’habitudes et par l’amenuisement de leur vitalité. La vie de cet animal me frappe toujours par la même évidence, celle d’un développement naturel sur lequel la volonté n’agit que d’une manière limitée. L’animal accepte cette évolution, il se laisse guider par la force organique qui l’habite. L’homme, au contraire, s’adapte avec peine à ce cours ordinaire et c’est peut-être pourquoi son histoire lui échappe dans sa totalité : il veut la saisir. En harmonie avec son destin – lutter pour survivre puis mourir –, l’animal n’éprouve pas ce besoin de maîtrise.

Que je suis étrangère à ce destin animal, moi qui désire inventer mon destin, le justifier et le comprendre, désir qui se transforme en un devoir pesant, inculqué par mon éducation et par la seule nature humaine ! De là me vient sans doute ma nostalgie de la condition animale, débarrassée de la prétention de vouloir la dépasser, définie par ses tâches élémentaires, bien qu’absorbantes et parfois complexes : mettre au monde la progéniture et assurer sa croissance.

[...]

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